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Médecine du travail : Une réforme sans ordonnance

Entre autres risques, celui des chutes de hauteur doit être nettement identifié.PHOTO : ODILE MAILLARD

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Avant la réforme, tout nouveau salarié devait passer une visite médicale, préalablement à l'embauche ou, au plus tard avant l'expiration de la période d'essai, et obligatoirement devant un médecin du travail. En théorie seulement... car, dans les faits, ce timing était difficilement tenu par les services de santé au travail. La réforme a modifié la procédure en instaurant trois niveaux différents de suivi médical selon la situation du salarié.

Médecins du travail : charge allégée

Le nouvel embauché doit se conformer :

soit à une simple « visite d'information et de prévention » ne relevant plus obligatoirement du médecin du travail. C'est le cas pour les salariés occupant des fonctions sans risques particuliers ;

soit à un « suivi médical adapté » (mineurs, femmes enceintes, travailleurs de nuit ou encore les travailleurs handicapés...). Cette étape détermine le type de suivi dont relèvera ensuite le salarié pendant son contrat ;

soit à un « suivi individuel renforcé » s'il occupe un poste à risques... au sens de la loi, ou selon l'évaluation des risques par l'employeur. Ce cas relève obligatoirement du médecin du travail.

La visite de prévention pouvant être désormais assurée par une personne autre que le médecin (infirmier, membre d'équipe pluridisciplinaire...), la réforme devrait désengorger les services de santé au travail : une majorité de salariés agricoles relève normalement du suivi simplifié...

Employeurs : responsables de l'orientation médicale

Derrière cette simplification apparente, la loi introduit un changement notoire pour les employeurs : il est désormais de leur responsabilité de déclarer à la Mutualité sociale agricole (MSA) a priori de quel type de suivi relève chaque salarié. L'employeur devient responsable de leur orientation médicale. Vu l'importance croissante de l'obligation de sécurité qui pèse sur tout chef d'entreprise, on peut donc s'interroger sur les conséquences de cette déclaration à la MSA. Que se passe-t-il si l'employeur ne déclare pas un salarié dans la bonne catégorie de suivi médical ? Si, par exemple, il est victime d'un accident du travail grave alors même qu'il n'a pas été déclaré sur un poste à risques ? Dans quelle mesure la responsabilité de l'employeur pourra être engagée ? Une fois de plus, l'évaluation est un enjeu important pour l'entreprise.

Le « suivi adapté », quant à lui, ne devrait pas poser de difficultés particulières car il concerne des catégories spécifiques de salariés.

En revanche la 3e catégorie implique un suivi médical renforcé ; elle est plus sensible, donc potentiellement plus lourde de conséquences.

Selon la loi, le « suivi individuel renforcé » concerne les travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers pour leur santé, leur sécurité, ou celles de leurs collègues ou tiers évoluant dans l'environnement immédiat. Et les mineurs affectés à des travaux dangereux.

Au-delà de cette liste (voir encadré), le législateur indique que l'employeur peut ajouter des postes dans cette catégorie « s'il le juge nécessaire au regard notamment de son document unique d'évaluation des risques (DUER) ». Cette liberté élargit, de fait, le champ de la responsabilité. Vu la typologie des travaux agricoles, on pourrait penser - à l'extrême - que tous les postes doivent être déclarés « à risques », et donc faire l'objet d'un suivi renforcé, cela reviendrait à la situation antérieure à la réforme... Il est probable que la MSA n'accepterait pas une déclaration systématique de tous les salariés sur des postes à risques.

Se rapprocher du médecin du travail

Le constat sur le terrain montre que cette nouvelle responsabilité de déclaration des salariés pour le suivi médical est encore délicate à appréhender. Il semble opportun de se rapprocher de la médecine du travail, en amont, afin d'établir - de concert - la liste des postes relevant de chaque catégorie, et ceux ne figurant pas directement dans la loi mais relevant pour autant de la responsabilité des producteurs et paysagistes.

Une telle démarche n'exonère pas l'entreprise de son obligation de sécurité ; elle devrait néanmoins permettre d'instaurer une certaine cohérence dans la démarche avec la MSA.

Par Murielle Vandevelde, avocate spécialisée en droit social agricole

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